vendredi 5 avril 2013

Cent vues du mont Fuji - Osamu Dazai


Cent vues du mont Fuji
Osamu Dazai

C’est par ces récits majeurs que Dazai Osamu (1909-1948) a laissé une empreinte considérable sur la littérature japonaise moderne, suscitant encore de nos jours une immense admiration. On le lit dans les écoles, on le commente, on le cite : il est maintenant un classique du XXe siècle au panthéon littéraire du Japon. 

Une vie traversée de doute, d’inquiétude, de dégoûts. Une réputation scandaleuse de buveur désespéré, d’amoureux suicidaire et d’amateur de drogues, le suivra toute sa vie. On peut lire ces récits, tous nourris de la vie de l’auteur, comme autant de croquis, de “choses vues”, comme autant de photographies que l’on disposerait dans un album si l’on veut découvrir un homme ; mais il faut les relire pour découvrir un écrivain, pour entendre cette “petite musique”, ce curieux mélange de véhémence, d’humour et de familiarité qui, dans un même récit, dans une même page, fait coexister l’envolée lyrique, l’émotion murmurée et le ton du journal intime.

Tout d'abord, je vous propose une courte introduction sur l'auteur. Osamu Dazai est un auteur japonais incontournable de la première partie du XXème siècle. Ses écrits sont caractéristiques du style littéraire Watakushi shōsetsu, c'est à dire qu'ils sont rédigés à la première personne et comportent de nombreux éléments autobiographiques.
D'un point de vue plus personnel, c'est un auteur tourmenté qui est connu pour ses excès (alcools, drogues, femmes) et pour ses tentatives de suicides (la dernière ne fut pas qu'une tentative).


Les éditions Philippe Picquier ont choisi de réunir dans ce roman plusieurs nouvelles écrites par Osamu Dazai à des moments-clé de sa vie. Chaque texte est précédé d'une présentation de l'éditeur nous expliquant le contexte de celui-ci.
Ce choix me semble judicieux pour ce livre, car il renforce l'aspect biographique et dramatique de l'oeuvre.

Dramatique, c'est bien le mot pour décrire ce que l'on ressent à la lecture du livre. Les textes sont souvent noirs et pessimistes mais portés par une plume agile et poétique.

« On a dépassé la mi-septembre. Mon yakata immaculé n'est déjà plus de saison, et j'ai le sentiment que sa blancheur tranche sur les couleurs du soir avec un éclat trop brutal : mon chagrin n'en est que plus intense, et je prends la vie en horreur. Le vent, dont le souffle vient rider l'étang de Shinobazu, est tiède et chargé d'odeurs d'égouts. Les lotus, que l'on a laissé croître sans prendre soin d'eux, commencent à pourrir : hideux tableau - ce sont autant d'images cadavériques ; et les promeneurs du soir affluent, le visage stupide et l'air épuisé : spectacle de fin du monde. »

Au début du livre, l'auteur ne m'était clairement pas sympathique. Il apparaît comme un jeune homme issu d'une famille riche avec un ego surdimensionné et qui de plus s’évertue à foutre sa vie en l'air...
Mais rapidement, on commence à comprendre son cheminement et sa souffrance. C'est un être fascinant, un homme qui cherche désespérément son chemin.


« Immobile, je pleurais. J'eus l'agréable sensation que mes larmes faisaient fondre cette frénétique raideur qui m'habitait.
Oui, j'avais perdu - et tant mieux : il le fallait. La victoire de ces êtres illuminera la route que je suivrai demain.»

Dans cette quête d'identité, on sent par moments qu'il s'apaise. Son écriture devient plus légère et il joue alors avec ses lecteurs. 

« Lecteur, écoute moi : si tu es avec ta bien-aimée et qu'elle éclate de rire, tu peux t'en féliciter. Ne le lui reproche surtout pas : la signification de ce rire, c'est tout simplement qu'avec toi, elle se sent parfaitement en confiance et que ce sentiment la submerge.»

Il retombe cependant bien rapidement dans la frustration, la peur et le dégoût de lui-même. Ce cheminement est parfaitement rendu par ce livre, où l'on découvre la vie de l'auteur par le prisme déformant de ses textes. La fiction se mélange à la réalité, les faits sont déformés mais au travers de son style et de ses écrits l'auteur se met à nu. Il nous fait partager ses sentiments, nous fait entrevoir sa solitude. 

« Qu'on veuille bien me pardonner. Je suis allé trop loin. Devant la vie, je n'ai pas à me comporter en accusateur ni en juge. Je n'ai pas qualité pour condamner mes semblables. Je suis un enfant du mal. Je suis maudit. J'ai commis sans doute cinquante ou cent fois plus de péchés que vous. C'est un fait : à l'heure présente encore, je suis en train de faire le mal. J'ai beau être vigilant, c'est peine perdue : il ne se passe pas de jour que je ne fasse le mal.»

Pour conclure, Cent vues du mont Fuji est le livre fort et poignant d'un auteur tourmenté dans une période chaotique. Un livre indispensable pour qui veut découvrir les grands auteurs japonais.

Note : 8/10

1 commentaire:

  1. Merci ! Tu me rappelles que j'ai toujours "La déchéance d'un homme" dans ma PAL.

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