mercredi 26 mars 2014

Autobiographie d'une machine ktistèque - Rafael Aloysius Lafferty

Autobiographie d'une machine ktistèque - Rafael Aloysius Lafferty
Autobiographie d'une machine ktistèque
Rafael Aloysius Lafferty

“Au commencement il y eut une interruption (…). Mais une interruption peut-elle survenir au commencement ?” Ainsi s’ouvre la première autobiographie jamais écrite par une machine... Créée par l’Institut pour la Science Impure, veillée par un géant au petit pied, une éternelle petite fille, un inventeur sans génie aux créations formidables, un grand roi sans couronne et un fantôme qui n’existe pas, la machine ktistèque n’est rien moins que le compendium mécanique de l’humanité. Machine pensante qui englobe toutes les consciences, elle doit apporter la réponse à l’humanité. Que les hommes sachent quelle est la question, c’est une autre histoire…
Marginal magnifique de la SF, Lafferty multiplie dans ce roman fou les expérimentations poétiques et fouille l’absurde sans relâche pour y dénicher du sens et du non-sens. Du Livre d’Isaïe au traité de Pline sur les géants, de Platon à saint Thomas d’Aquin en passant par le martyrologe, il convoque mille références, toutes plus ou moins truquées ou détournées, comme si son roman s’inscrivait dans une histoire parallèle de la littérature et de la philosophie. Au fil d’une trame rigoureusement bordélique et délibérément zinzin, il tisse une jubilatoire et singulière métaphore de la création. Car cette machine, créée avec le “cellogel” des hommes et censée leur donner la connaissance d’eux-mêmes, ne serait-ce pas la littérature elle-même ?
Plusieurs décennies après sa sortie, Autobiographie d’une machine ktistèque reste en tout cas l’une des propositions les plus fascinantes de la science-fiction américaine. 

Avant de parler du livre, je voudrais remercier les Editions Actes Sud pour m'avoir permis de le lire dans le cadre d'un partenariat ! 

Epikt est une machine pensante créée par l'Institut pour la science impure afin de répondre aux différentes questions existentielles que se posent les membres de cette glorieuse institution. Pour cela, Epikt dispose de la connaissance et de la mémoire de ses créateurs mais aussi de celles de toutes les créatures vivantes qu'elle désire. 

« Puisque je sais tout de vous, qui que vous soyez, il n'est que juste que vous appreniez quelques petites choses de moi. Depuis que j'ai appris à extraire le précis personnel de n'importe quelle personne présente ou absente, je peux vous faire venir ici au complet. Si je ne l'ai pas encore fait, c'est que vous n'en valez pas la peine. Qui que vous soyez, vous n'êtes qu'un fragment, et un fragment d'un certain type. Mais moi, je suis le compendium de tous les types. Les personnes qui sont en moi, les personnes qui sont dans le monde, je les vois comme elles sont. Pas comme elles se voient les unes les autres. Aussi je n'ai pas à attacher une très grande importance à l'apparence ou à la présence physiques de l'un des fragments. Il n'y a que les personnes très fortes dont la présence ou l'absence compte. Quant aux personnes ordinaires, je les lis aussi bien d'une manière que de l'autre.»

Ainsi commence le récit, la machine nous relate ses réflexions, ses expériences, ses succès et ses échecs.

Autobiographie d'une machine ktistèque est le deuxième livre paru dans la collection "Exofictions" d'Actes Sud après l'excellent Silo de Hugh Howey.
Ce roman de R.A. Lafferty a été écrit en 1971 et publié en 1974 en France. Il était depuis longtemps introuvable dans notre pays.

Quel exercice ambitieux que de vouloir faire parler une machine ! Surtout quand celle-ci est constituée de la conscience d'un grand nombre d'individus. R.A. Lafferty réussit parfaitement cette tâche et nous livre un texte étonnant, fascinant et exigeant. 
La complexité et l'étrangeté de ce roman sont à la fois addictives et rébarbatives. Rien n'est jamais simple et il faut en permanence faire un effort pour profiter de ce texte sans réelle intrigue.

« Dans les temps troublés, les gens retournent presque parfois de la musique élevée et complexe aux simples mélodies (qui en réalité sont bien plus élevées et chargées de sens que la musique élevée), mais ils passent toujours à coté faute d'être suffisamment simples. La simplicité (jamais je ne serais obligé d'expliquer ces choses-là à une machine intelligente, mais il faut toujours mettre les points sur les i même pour une personne intelligente) n'implique pas une pauvreté dans le contenu ou le détail ; elle implique une unicité. C'est la complexité (cette division, cet échec de compréhension) qui est privée de détails de substance. Ramassez les morceaux éparpillés partout de n'importe quelle complexité et réunissez-les (car ils sont incapables de se réunir seuls) ; vous serez surpris de constater leur légèreté.»

Le personnage d'Epikt est très intéressant et en dehors de ce qu'il nous raconte, j'ai pris beaucoup de plaisir à le découvrir. J'ai essayé de comprendre où l'auteur allait nous mener sans jamais réellement y parvenir.
Les différents projets explorés par Epikt sont logiques à l'origine mais fantaisistes dans leur traitement. Epikt pense mieux comprendre l'humain que les hommes eux-même. Malgré ça, il ne semble pas capable de mener un projet à bien. On retrouve en lui un bon nombre des contradictions humaines.

Au final, R.A. Lafferty nous livre une réflexion étonnante sur la condition humaine. Un livre atypique qu'il aurait été dommage de laisser dormir aux fonds des étalages de quelques bouquinistes. A lire à tête reposée pour en profiter pleinement.
  
Note : 7/10

1 commentaire:

  1. Un livre que j'ai aussi énormément apprécié. Si je puis cependant me permettre un commentaire, pourquoi ne proposez-vous pas à vos lecteurs une autre façon d'acheter ce bouquin qu'en passant par amazon?

    Thomas Dupont-Buist

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