mardi 9 octobre 2012

L'interview du mois #1 : Stéphane Marsan 1/2

L'interview du mois #1 :  Stéphane Marsan 1/2
(c) Caslot Jean Charles / BRAGELONNE
Stéphane Marsan, le responsable des éditions Bragelonne - Milady - Castelmore, a accepté de répondre à mes questions en cette rentrée littéraire.

J'ai choisi d'évoquer, entre autres, la romance, les dystopies et les livres numériques.

Découvrez dès maintenant la première partie de cette interview.







Bonjour Stéphane et merci d'avoir accepté de répondre à mes questions.

Le catalogue de Bragelonne/Milady est de plus en plus diversifié. Après la Fantasy, la SF, l'épouvante et la bit-lit, une collection romance a vu le jour. Peux-tu m'en dire plus sur cette nouvelle collection ?

 Nous en avions envie depuis longtemps. Quand on crée une maison d'édition comme la notre on évoque toutes les envies qu'on a, y compris les plus bizarres et les plus hasardeuses, celles qu'on réalisera un jour peut-être et celles que l'on ne réalisera jamais. Aussi, d'emblée, nous nous sommes dit que, le moment venu, si on en avait la possibilité, on voudrait publier des romans d'amour. Essentiellement parce que les associés fondateurs de Bragelonne ont la passion des genres, de la fiction populaire, et pas seulement de la Fantasy, de la SF et du fantastique avec lesquels nous avons commencé. 
Par la suite, la création de Milady, notre label au format poche, a renforcé cet engagement. Le poche est par essence le format populaire, pratique, pas cher et susceptible d'obtenir une large diffusion notamment en supermarchés. Quand on a créé Milady nous avions la nostalgie du Fleuve Noir de la grande époque, une collection de romans populaires par excellence accueillant volontiers tous les "mauvais genres", qui ne cherche pas la reconnaissance du milieu littéraire et éditorial mais qui fait des romans pour les gens qui veulent simplement prendre du plaisir à les lire.
Le désir de couvrir tous les genres méprisés par l'intelligentsia, allié au format et à la diffusion poche, a progressivement défini Milady comme le label de la diversification : c'est la marque de Bragelonne qui a pour vocation de se déployer dans de nouvelles directions littéraires, alors que Bragelonne reste la maison leader et de référence sur le marché pour l'imaginaire. Ce déploiement se fait par accointances et proximité. Justement, la bit-lit nous a permis de rencontrer un public qui n'était pas lecteur de fantasy et de fantastique au départ, un public dans son immense majorité féminin, qui lit des livres comme on regarde une série télé, qui veut avant tout des émotions, et qui ne cherche aucune autre légitimité que cela. Quand j'ai utilisé le terme bit-lit pour englober ce que les Américains appellent Urban Fantasy et Paranormal Romance, je me suis vite rendu compte que la part "romance" était beaucoup très attirante et tout à fait essentielle au désir de lecture de ce public.
Alors, de la bit-lit à la romance, il n'y avait qu'un pas.
Au passage, nous avons évidemment opté pour le terme de "romance", un mot merveilleux, un mot français adopté par les Américains pour le genre qui représente 52% de leur marché du livre !!! plutôt que le "sentimental" péjoratif et vieillot.
Enfin, et ceux qui connaissent l'esprit Bragelonne ne seront pas surpris, le choix d'un genre pour ainsi dire encore plus méprisé que la fantasy n'était pas innocent. L'histoire de Bragelonne, c'est celle d'une toute petite maison d'édition indépendante, sans un sou et sans réseau, dont le succès et la durabilité impressionne et fait envie à toute l'industrie, et pas seulement en France, et ce grâce aux lecteurs qui sont ravis de lire nos romans et partager nos émotions. Il n'y a aucune honte à se faire du bien, et qui plus est si ce n'est pas "bon teint".

En effet, tout ça c'est la génétique éditoriale. Mais je pourrais aussi répondre tout simplement "parce qu'on aime ça" ! :) On ne publie que ce qu'on aime et ce qu'on pense pouvoir construire et défendre. Tout en venant de la SF et de la Fantasy, on a toujours été conscient du fait que la romance, l'histoire d'amour, nous touchait et nous importait beaucoup plus que ce qu'on croie... et peut-être ce que beaucoup de fans veulent bien avouer. La romance, les histoires d'amour, le désir, le flirt, le plaisir, les comédies sentimentales, les sagas familiales, de Grey's Anatomy à Dowtown Abbey, de Love Actually à Two Lovers, on adore ça, ça nous fait vibrer, battre le coeur plus fort. Alors quel bonheur de proposer à notre tour de telles histoires !

Notre offre en romance se veut satisfaisante pour celles qui connaissent très bien le genre et en lisent beaucoup, de façon à ce qu'elles trouvent dans nos titres ce qu'elles aiment déjà : la romance a des règles très précises auxquelles il ne faut pas déroger ! :) Mais elle se veut à la fois novatrice et diversifiée, en proposant des coups de coeur, des histoires qui enchantent et émeuvent les lectrices, qui les réconcilient avec la vie le temps de 300 pages. Faire de la romance pour faire la même chose qu'Harlequin ça n'aurait eu aucun intérêt.

En outre, nous avons une offre riche et nombreuse, avec chaque mois trois titres de romance historique, deux titres de romance contemporaine et un titre de romance liée à la vie familiale ou dirigée vers un public un peu plus âgé. Nous allons agrandir cette offre encore davantage en 2013 pour accueillir des approches encore plus diverses.



Avec la littérature de Vampire et de Zombie, la Dystopie semble être le nouveau chouchou des lecteurs. Bragelonne a publié assez peu de romans de ce genre, comptes-tu nous en proposer dans les prochains mois ?

 Il faut faire la différence entre le genre et la catégorie marketing. Le genre c'est ce qui vous donne le sentiment que vous aimerez lire un autre livre qui ressemble à celui que vous venez d'aimer ; la catégorie marketing c'est ce que l'éditeur indique en couverture, en librairie, en bibliothèque etc. pour réunir l'intérêt du plus grand nombre de lecteurs potentiels, ou tout au moins d'en repousser le moins possible. 
Kristine Kathryn Rusch, la grande auteure de SF (et pas seulement) a très bien expliqué sur son blog comment la petite fusée indiquant la catégorie marketing de la SF suscitait l'excitation, la fascination et la curiosité quand elle était gamine, alors que de nos jours non seulement c'est ringard mais l'usage de la SF comme catégorie marketing est le plus sûr moyen de flinguer la carrière commerciale d'un bouquin. Je ne m'en réjouis pas ! Je constate. Un large public pourrait très bien aimer ce roman mais si vous le placez dans la catégorie SF, ils s'en détourneront.
Or la dystopie, c'est quoi d'autre que de la SF ? Je me souviens très bien du moment où à la foire de Francfort, il y a deux ans en gros, je demandais à des éditeurs étrangers venant sur le stand Bragelonne : "est-ce que vous vous intéressez à la SF ?" et qu'ils me répondaient "Ah non ! Mais est-ce que vous avez de la dystopie plutôt ?" (sic).
En particulier quand on travaille dans la littérature de genre, il faut avoir cette distinction en tête. Si on reste arc-bouté sur le genre et sa définition (et les heures de bonheur qu'on a eu à en lire en se disant "C'est génial, je suis un fan de SF !") et qu'on se fout de la gueule des gens qui les négligent et ne regardent que la catégorie marketing, on fait une grosse erreur : on ne leur apprend rien et on dessert la SF elle-même en les en détournant.
Je parle de SF là parce que ta question porte sur la dystopie mais c'est vrai pour d'autres genres, bien sûr. Les genres sont éternels mais les catégories marketing  vont et viennent, naissent et meurent.
La dystopie n'est pas le chouchou des lecteurs. Quelques ouvrages de grande qualité et très populaires sont rangés dans cette catégorie et du coup donne envie aux lecteurs de lire d'autres ouvrages dont le propos s'en rapprochent. Mais les écrivains s'éloignent toujours, plus ou moins perceptiblement, de la référence de départ et redéfinissent le propos et l'enrichissent. Chez Castelmore on a publié le magnifique Ephemere par exemple, ou le formidable Devil City, qui peuvent être associés à la dystopie, et ils sont pourtant très différents.
Fondamentalement, même si nous faisons très attention aux nouvelles tendances qui indiquent ce que de nombreux lecteurs ont envie de découvrir et de lire dans un proche avenir, ce qui compte, c'est la force et la qualité des romans, quelle que soit leur catégorie.

8 commentaires:

  1. En voilà une interview bien menée ;) Chouette boulot. J'en profite pour te dire que j'aime beaucoup le nouveau look de ton blog, ça sent le renouveau tout ça ;)

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    1. Merci, on essaye de bien faire les choses ;-)
      La deuxième partie est également très instructive.

      Pour le Blog, il était temps que je fasse quelque chose. J'ai pas fini mais il commence à ressembler à ce que je veux.

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  2. "Or la dystopie, c'est quoi d'autre que de la SF ? Je me souviens très bien du moment où à la foire de Francfort, il y a deux ans en gros, je demandais à des éditeurs étrangers venant sur le stand Bragelonne : "est-ce que vous vous intéressez à la SF ?" et qu'ils me répondaient "Ah non ! Mais est-ce que vous avez de la dystopie plutôt ?" (sic)."

    C'est tellement vrai ! C'est très intéressant en tout cas ! :)

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    1. Je suis d'accord. Tout est une question commerciale ;-)
      Tu verras la deuxième partie est tout aussi intéressante.

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  3. Pfff, t'as pas honte de nous faire attendre comme ça :p ! hihi ! Pour ma part je regrette franchement cette classification à outrance des livres. Que fait-on de ceux qui ont été publiés avant du coup ? Il faut les ranger dans des boites eux aussi ? C'était le coup de gueule de la semaine ! hihi ! revenons à des choses simples ... (oui parfois je ressors mon petit discours zen!)

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    1. Oups, j'avais pas répondu ;-)
      Je suis assez d'accord avec toi sur les classifications. Je rajouterais également que certaines de ces nouvelles classifications sont utilisés à tord et à travers (et souvent à tord).

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  4. Très intéressant ! Personnellement, je ne suis pas fan de leur nouvel axe romance, mais si ça leur permet de publier à nouveau de la vraie urban fantasy pourquoi pas ?
    Si je comprends bien il y a une 2e partie à cette itw ?

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    1. L’intérêt de diversifier pour amortir les variations de ventes me parait très logique.
      Après je présume que les volumes de publication par genre dépendent de l'attente du marché...

      Sinon, il y a bien une deuxième partie à cette interview. J'attend la dernière version mais Stéphane est quelqu'un de très occupé, il faut donc être patient.

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